Dis-moi ce que tu manges...

Publié le par Jyoti

Dis-moi ce que tu manges...

En ces temps incertains où des peurs d’origines diverses s’infiltrent insidieusement dans nos vies, la santé est brandie comme un rempart : mourir oui, s’il le faut vraiment, mais en bonne santé et le plus tard possible. Qui trouverait à redire à une telle proposition ? Le problème, c’est que le souci, certes justifié, de la santé est en passe de tourner à l’obsession.

J’en veux pour exemple les discours sur l’alimentation dont nous sommes bombardés de toute part : combat de nutritionnistes à la télévision, affrontements de pratiques, modes alimentaires... Rien ne nous est épargné pour nous convaincre que toutes sortes de maux nous guettent si nous ne suivons pas les prescriptions des uns ou des autres.

On nous exhorte ainsi à ne pas « mal » manger. OK. Mais « mal », ça veut dire quoi ? Là, les choses se compliquent parce que personne n’est d’accord. Les végétariens dénoncent les horreurs de la viande. Les écologistes affirment qu’il faut manger ce qui pousse autour de chez soi (dans mon coin de terre, je serais condamnée aux poireaux et aux pommes de terre à perpétuité). Les produits laitiers sont devenus nos ennemis pour la vie. Sans oublier les tenants de la macrobiotique, de l’alimentation chinoise, de l’alimentation ayurvédique, etc., qui ne sont pas d'accord entre eux même s'ils prônent la même pratique. Alors, pauvres de nous désireux de « bien » faire, nous nous retrouvons à errer dans un labyrinthe de contradictions.

À entendre certains bien-pensants de l’alimentation, on pourrait même croire que le plaisir est à bannir. Or s’alimenter n’est pas qu’un simple « passage à la pompe » où nous réapprovisionnons notre corps en carburant. La nourriture est liée à des codes culturels (lois de l'hospitalité, variations de la composition des repas en fonction de la nature des événements, us et coutumes nationaux et régionaux, etc.) et inséparable de l'affectif : les personnes mal aimées, notamment dans leur enfance, auront davantage tendance à développer des troubles de l'alimentation plus ou moins sévères ou à entretenir un rapport complexe avec les aliments. Le langage courant dit depuis longtemps le lien entre affect et nourriture : « ça me fait mal au ventre », « je n'arrive pas à digérer ses paroles ou telle situation », etc. Et n'oublions pas la « comfort food », ces aliments de réconfort dont le rôle ne relève guère de la nutrition. De la naissance à la mort, amour et nourriture vont main dans la main.

Alors que faire pour que nos intestins, ce « deuxième cerveau » dont on nous rabat les oreilles depuis quelque temps (un peu exagéré, non, quand même ?), gargouillent de plaisir et que notre feu digestif nous fasse une belle flambée dans la joie et l'allégresse plutôt que dans la privation et l'interdiction ?

Déjà arrêter de prendre pour argent comptant tout ce qui se raconte et s’écouter soi-même. Et oui, notre corps nous parle et il ne tient qu’à nous de l’entendre. Contrairement à d’aucuns, je ne pense pas que les choses que nous avons envie de manger sont celles que nous devrions éviter. Dans la mesure où nos envies ne nous portent pas à l’excès par compensation de frustrations diverses, pourquoi ne pas simplement les voir comme exprimant un besoin du corps à satisfaire et les accueillir comme telles ?

Ne suivons pas non plus aveuglément les derniers préceptes à la mode. Le gluten est-il vraiment une question de santé publique comme on voudrait nous le faire croire ? En tout cas, les acteurs de l'industrie agro-alimentaire, petits et gros, qui s'emplissent les poches grâce au juteux marché des produits sans gluten ne vous diront pas le contraire. Soyons avertis, mais pas naïfs : les jolis légumes bio n’ont pas poussé sans aide de la chimie et ne sont pas cueillis à la main dans la rosée de l’aube par de jeunes vierges. Exerçons notre sens critique et veillons à ne pas nous laisser manipuler.

Nous avons la chance de vivre dans l’abondance alimentaire et d’avoir du choix. Comme en toute chose : harmonie, équilibre. Ni trop, ni trop peu. De la variété. De la curiosité. Écouter les besoins de son corps. Se faire d'abord confiance à soi-même. Respecter les préférences et les choix des uns des autres (attention au syndrome du lotus bleu !). Je n’irai pas en enfer parce que je mange du camembert et je n’irai pas au paradis parce que je mange des brocolis !

À une époque où certains payent pour jeûner (un concept qui ne cesse de me stupéfier), il me semble qu’il est temps de remettre les pieds sur terre. Pour vivre heureux et en bonne santé, commençons par être en phase avec nous-mêmes. Nourrissons notre corps, notre cœur et notre âme de belles et bonnes choses. Et apprécions la vie dans toute sa diversité, y compris alimentaire, sans céder aux préjugés et aux diktats.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
D'accord de bout en bout ! Manger une nourriture simple et agréable au goût, ne pas se goinfrer, ne pas manger entre les repas, l'essentiel de la diététique est là.
Répondre
J
Et oui ! Ca paraît simple pourtant !