Débordé(e), vous avez dit débordé(e) ?

Publié le par Jyoti

Débordé(e), vous avez dit débordé(e) ?

« Je suis débordé(e) », entend-on tous azimuts, notamment chez les personnes qui ont récupéré les huit heures minimum par jour qu’elles ont dû consacrer au travail rémunéré pendant des dizaines d’années.

« Déborder », c’est « se répandre hors des bords de son contenant ». Je suppute donc que la forme passive de ce verbe, soit « être débordé », signifie que la personne ne contrôle plus les tâches qu’elle estime avoir à faire et que leur accumulation la submerge. Effectivement, vu sous cet angle, il y a matière à se faire du souci.

Personnellement, je pense que, chez les personnes qui sont seules maîtresses de la gestion de leur temps, « être débordé » signifie surtout « avoir peur du vide ». Je parle dans un autre article du vieillissement et j’ai oublié d’y rappeler que le retraité se doit de « ne plus avoir une minute à lui » (ça marche aussi pour les femmes).

Depuis notre plus jeune âge, nos journées sont organisées par autrui : l’éducation nationale d’abord et les employeurs après. Dans le temps qui reste, il faut caser les amis, la famille, les tâches ménagères, que sais-je encore ! Et puis un jour arrive où les enfants, le boulot et le rôle social, pfff, envolés ! Vide abyssal. Très souvent, oubliées toutes les choses que l’on s’était promis de faire à la retraite. Juste des journées immenses qui s’étirent à perte de vue. Ou bien on s’engage à fond dans une ou plusieurs de ces activités tant attendues ou bien on consacre plus de temps à celles que l’on était parvenu à mener de front avec le reste. Et le récipient de nos vies qui menaçait dangereusement de s’assécher se remplit au point de déborder. On est rassuré. On sert encore à quelque chose. On a toujours une place dans la société.

D’un autre côté, « être débordé », c’est bien pratique aussi. Ça évite poliment de faire les trucs qui nous enquiquinent. Du genre, au lieu de dire : « Une marche de 50 km dans le désert de Gobi, merci mais ça ne me dit rien », on dit : « J’adorerais faire ça avec toi, mais je n’ai pas le temps, je suis débordé(e) ». J’aurais d’autres exemples plus réalistes à donner, mais je les garderai pour moi parce que je suis sûre que vous en trouverez plein vous-mêmes sans grand effort.

Pour ne pas être débordés, accueillons le « vide » à bras ouverts, offrons-nous des moments à ne rien faire que regarder dehors, boire une tasse de thé, rester assis dans le silence. Définissons aussi nos priorités. Avons-vous vraiment besoin d’être présents sur tous les fronts ou n’est-ce qu’une façon de masquer la peur de la mort, physique ou symbolique ? Si nous ne pouvions faire qu’une seule chose, quelle serait-elle ? Peut-être que se concentrer sur cette chose et s’accorder des moments de « rien » suffirait à nous combler ? Quelles sont nos véritables obligations ? Ça y est, se poser toutes ces questions et tenter d’y répondre… Je sens que vous allez être débordés !

Au lieu de nous laisser submerger par les tâches que nous entassons à loisir sur nos têtes, nous pourrions essayer de déborder d’amour, de bienveillance, de sollicitude, de joie de vivre, de curiosité, par exemple. Laisser les choses positives qui nous animent sortir de nos confins et se répandre dans le monde. Nous autoriser à sortir de nos propres bords pour aller poser notre regard ailleurs.

Bon, ça va, j’ai compris : vous n’avez le temps de rien et « en plus, le temps passe plus vite qu’avant ». Enfin, quand même….

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K
et le "vide" rempli de "plein" ... ce n'est pas mal non plus ! merci Jyoti
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J
Je dirais même, c'est très bien aussi ! :-)