Défractionner

Publié le par Jyoti

En cette époque où l'exagération, pour ne pas dire le mensonge, est devenue un mode de gouvernance affirmé, il serait temps de prendre conscience de la dangereuse accélération du fractionnement qui nous menace.

Quand la dualité est perçue et ressentie, sans même réfléchir, comme la réalité du monde et non pas comme un effet de notre condition, les paires d'opposés règnent en maîtresses et un premier fractionnement apparaît : le bien et le mal, le beau et le laid, le vrai et le faux, le blanc et le noir, la nuit et le jour... Posée ainsi, elle implique lutte et division et se décline à l'infini comme outil facile à utiliser pour dresser les uns contre les autres. 

Habillée de prétextes moraux et de postures vertueuses, elle permet de manipuler les foules et de diriger les moutons dans l'enclos sans qu'ils pensent à s'interroger, confits dans la certitude prédigérée d'avoir raison, inconscients du fait que l'on joue de leurs peurs.

Au lieu de n'être qu'un état de la dynamique fluide qui régit l'univers, elle devient un exosquelette rigide qui contraint et limite. La dualité n'est pourtant que l'unité qui se reflète dans un miroir. En ce monde, elle engendre le trois, c'est-à-dire la forme de l'unité qui nous est accessible, comme un homme et une femme engendrent un enfant qui engendrera à son tour. Autrement dit, un univers en création perpétuelle, où rien n'est figé.

Plus nous autorisons nos vies à se fractionner, moins nous offrons de résistance aux influences extérieures parce que notre vision se limite à des éclats de miroir au point d'en oublier l'existence du miroir originel.

Il est à la mode de "méditer". Pourquoi ne pas en profiter pour s'engager sur la voie du défractionnement : par exemple, plutôt que de penser en catégories d'âge, de sexe, d'ethnie, de préférences sexuelles, de religion, penser en termes d'humains, puis de vivant et ainsi de suite jusqu'à arriver à ressentir la disparition de toute différenciation, puis rapporter dans notre quotidien la conscience (ou au moins la réminiscence) du un, qui est notre véritable liberté. Une fois les barrières intérieures ainsi abolies, les influences extérieures n'auront plus de prise sur nous parce que les peurs se seront dissoutes avec elles.

Certes, il n'est pas facile de re-façonner ses modes d'appréhension du monde, mais il me semble que le moment est venu d'y voir une condition sine qua non de notre survie individuelle et collective.

 

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