Vieillir pour mieux rajeunir

Publié le par Jyoti

Vieillir pour mieux rajeunir

Vous vous rappelez de la devinette du Sphinx à Œdipe : « Quel animal marche sur quatre pattes le matin, deux pattes à midi et trois pattes le soir ? ». Moi oui et pourtant, si étonnant que ça puisse paraître, je n’y étais pas ! Sa réponse, bien sûr vous la connaissez : « l’être humain ».

Ça, c’était avant le marketing, avant qu’on invente les juniors, les trentenaires, les quadra, les quinqua, les seniors et leurs subdivisions à l’infini. Quand les choses étaient simples. Inutile dire que c’était il y a extrêmement longtemps, pour ne pas dire la nuit des temps, au moins les années 1950 !

Avant, une fois arrivé l’âge de la retraite-bien-méritée, plein de gens partaient s’ennuyer ferme à la campagne en attendant que sonne le glas. Aujourd’hui, le senior se doit d’être actif et a plein d’activités juste pour lui : la danse country, la randonnée et les voyages tous azimuts, pour ne citer qu’eux. Ah oui, et les « clubs du 3e âge » ou « des anciens » ou « des aînés ». Et les « repas des anciens » aussi. On a ça dans mon village. Heureusement, on n’est pas obligé. Ouf !

Le senior n’est donc plus confiné au coin du feu, il arpente les quatre coins de la planète, il fait le sport qu’il aurait dû faire il y a très longtemps (il faudrait leur dire qu’on meurt quand même à un moment ou à un autre). Et c’est tant mieux… tant qu’il ou elle ne vient pas me dire : « On fait aller. On vieillit » ou « tu sais, à mon âge… » ou « c’est trop tard maintenant, à l’âge que j’ai… ».

Souvenez-vous : « sur trois pattes le soir ». Et oui, le véhicule s’use avec le temps. C’était écrit en petites lettres en bas du contrat. Le corps n’est pas garanti à vie. Les gens qui se plaignent de vieillir m’énervent parce qu’il y a plein de jeunes qui sont partis trop tôt et que nous, les « seniors », nous avons la chance d’être toujours là et de pouvoir profiter au centuple de la vie, maintenant que le temps des obligations familiales et professionnelles est passé. Au lieu de nous plaindre de ce que nous avons en moins, réjouissons-nous de ce que nous avons en plus : une probable vingtaine d’années au moins pour renouer avec nous-mêmes, pour nous épanouir, pour être pleinement vivants.

J’ai toujours été nulle en coloriage : impossible de ne pas déborder. Et ça n’a pas changé : je ne me retrouve pas dans ces classifications qui nous coupent en « tranches »… d’âge. Elles ne me parlent pas de Moi. Le corps que j’occupe se dégrade progressivement puisqu’il doit arrêter de fonctionner un jour, pas Moi.

Et puis, les années, si on veut bien les accueillir à bras ouverts, c’est aussi de l’expérience accumulée, une meilleure connaissance de soi, le retour en soi, vers soi. L’occasion de transmettre aussi. Le négatif, il est où si on ne s’identifie pas à ses articulations ?

Moi j’ai un truc pour que le vieillissement soit un rajeunissement : j’apprends et j’ouvre grand mes yeux, mes oreilles et mon cœur. Mon atelier mémoire, c’est le sanscrit. Mes voyages sont immobiles : dans les livres qui m’ouvrent à une vision du monde plusieurs fois millénaire et qui donnent à tout ce qui m’entoure une ampleur, une profondeur et une lumière nouvelles. Mes pas me portent vers des personnes et des activités synonymes de partage et de rencontres d’amitié vraie. La danse, elle est dans mon cœur quand il bat à l’unisson de l’univers.

Je rajeunis parce que j’avance sur mon vrai chemin, celui où me guide mon maître intérieur, c’est-à-dire l’étincelle du feu divin qui m’anime. Je rajeunis parce que je me dépouille de tout ce que la vie m’a fait porter et dont je n’ai pas ou plus besoin.

L’usure physique, le vieillissement, la mort du corps, c’est notre condition. Se morfondre, regretter, pleurnicher n’y changera rien. Mais (re)naître à nous-mêmes, c’est notre choix, notre liberté. N’hésitons pas à en user et à en abuser. Nous avons peut-être atteint l’âge de marcher symboliquement sur trois pattes mais ne nous identifions pas à la canne !

अहम्
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