Autour du dharma (suite)
Les observations d’une amie à propos de l’article Autour du Dharma m’ont inspiré les réflexions supplémentaires suivantes.
La famille est en principe un microcosme hiérarchique où les adultes enseignent aux enfants les règles de la vie en société et leur transmettent leur savoir, leurs valeurs, leurs convictions, etc. Si les enfants s’efforcent très vite de transgresser les règles, c’est pour déterminer les limites du périmètre qui leur est alloué. On leur dit : « Quand tu seras grand(e), tu feras ce que tu voudras, mais pour le moment, c’est moi qui commande ». Ça ne leur plaît généralement pas, mais ça les rassure aussi car ils sentent que ces règles et les adultes qui les édictent les protègent et les arment pour l’avenir, même s’ils n’en ont pas une conscience verbalisée.
Dans le cadre de la cellule familiale et en dehors de toute autre considération, le dharma des parents, c’est ça : faire en sorte que l’enfant s’épanouisse, c’est-à-dire l’aimer, le soutenir, l’apprécier, le valoriser mais aussi le recadrer quand cela est nécessaire, afin qu’il devienne un adulte solidement construit et positif.
Les personnes issues d’une famille dysfonctionnelle, n’ayant connu qu’une structure aux contours flous au pire hostile, au mieux indifférente, pourront avoir du mal à se situer. En l’absence d’un code venu de l’extérieur, elles risquent de passer leur vie en quête de cet ordre structurant qui ne leur a pas été transmis et qu’elles devront inventer ou aller chercher dans une affiliation politique, religieuse ou sectaire ou bien dont le manque pourra déboucher sur des comportements autodestructeurs.
Le non-respect de leur dharma par les parents risque fort d’engendrer la même chose chez leurs enfants devenus parents et ainsi de suite, puisqu’il est toujours difficile de donner ce que l’on n’a pas reçu.
Cet exemple pourra paraître simpliste et caricatural, mais il illustre un sens possible à donner au dharma dans les sociétés occidentales contemporaines, celui de responsabilité sociale individuelle. Ou pour paraphraser le dicton : « Responsabilité sociale bien ordonnée commence dans notre propre foyer ».
Au niveau individuel, les personnes animées par une vocation savent quel est leur dharma : soigner, par exemple. Leur vie professionnelle et personnelle est guidée par cette vocation et ses valeurs. Elle est leur loi et ils lui obéissent avec bonheur. Malheureusement, ce n’est pas le cas de la majorité d’entre nous, alors, au-delà des préceptes moraux de base communs, comment savoir « à quelle loi se vouer » ? Avec le recul de l’expérience, je dirais qu’on vit souvent notre dharma avant de le connaître. Il se dessine au fil des choix qui nous orientent vers une voie plutôt qu’une autre, lorsque ces choix sont inspirés par notre intuition, notre maître intérieur, et non par une pression extérieure. Il apparaît rétrospectivement comme le fil conducteur qui nous a guidés sur notre juste voie. On pourrait dire alors que le dharma est la loi du sens de la vie. Sens, à la fois comme « direction » et « signification ». À défaut d’être gravée sur des tables, cette loi peut l’être dans notre Cœur.
Le dharma est un beau concept qui, comme toute chose ici-bas, peut se trouver perverti s’il opère dans le contexte d’un ordre malfaisant, où la vertu (un autre de ses sens) serait l’extermination de l’autre et l’ordre une pensée unique ne supportant pas la contradiction.
Les sociétés humaines sont ce que nous en faisons, à chacun d’entre nous de faire triompher un ordre, une loi, une vertu tournés vers l’ouverture et la lumière.