Attachement
L’attachement amoureux crée des liens que nous serrons parfois si fort qu’ils finissent par nous empêcher d’avancer et nous entravent. Il naît souvent de notre propre histoire et de l’image que nous avons de nous-mêmes. C’est banal : si nous nous sentons forts, nous serons attirés par la faiblesse, si nous nous sentons faibles, nous serons attirés par la force. Et ainsi de suite. Nous disons : c’est génial, nous sommes complémentaires. Et nous comblons des vides dont nous n’avons même pas conscience par ce que nous imaginons être le plein de notre partenaire. Et ça marche, souvent avec bonheur, alors on oublie d’être vigilant. Et puis il arrive que l’image rêvée de l’autre résiste mal au quotidien. Ou bien on évolue et il ne reste plus rien à combler. Les liens aériens du début ont formé un un nœud qui semble inextricable. Une fois de plus, nous sommes tombés dans le piège de la dualité : lui et moi, moi et elle. En dehors du couple, point de salut. Le confort affectif dans lequel nous ronronnons a de multiples bons côtés. Mais quand nous prenons conscience que le luminaire qui éclaire notre vie n’est qu’un simulacre de soleil alors que nous aspirons à vivre en pleine lumière… Chacun et chacune trouve sa propre solution, qui consiste souvent à reproduire le même schéma, la même illusion, parce que c’est plus simple, parce qu’on ne sait pas faire autrement. On choisit le compromis. Chacun avance linéairement jusqu’à mi-chemin et fait de son mieux pour rester en équilibre sur ce fil. On s’accommode et, il faut le reconnaître, il y a plein de bons moments, alors on laisse courir.
Ce lien, amoureux ou d’une autre nature d’ailleurs, nous en avons besoin car vivre dans l’isolement est contraire à notre nature d’êtres humains. Le problème c’est le nœud, parce que c’est lui qui fait que le lien attache, fixe. Sa complexité, la force du serrage, sa taille font toute la différence. Un petit nœud lâche se dénouera sans mal et tout ira bien. Mais s’il est très serré ou volumineux, ce sera une autre histoire : il faudra le trancher et trancher, ça fait mal. Ça veut dire des conflits, des pleurs, des grincements de dents. Et là on se dira : oui, il me serre trop, il m’entrave, mais finalement est-ce si douloureux que ça ? Et comme d’habitude, dans la majorité des cas on choisira un mal qu’on connaît à un bien qu’on ne connaît pas.
Et si nous commencions par couper les liens morts, ceux qui nous créent des obligations sociales ou autres qui n’ont plus lieu d’être ? Et à regarder nos vies en face au lieu de les subir comme un enchaînement d’événements que nous avons renoncé à maîtriser ? Faire le petit pas en arrière ou de côté, comme on préfère, qui nous restitue la conscience du choix et confie les rênes au véritable maître du char.
S’attacher oui, mais avec des liens qui relient et non qui entravent. Commencer à voir nos vies comme un tissu fluide et infini de relations entre nous-mêmes, le monde et le cosmos serait un premier pas vers une vision défragmentée de ce que nous appelons la réalité, un premier geste timide pour lever le voile de māyā, un premier mouvement de refus de l’asservissement, un premier frémissement vers le retour à la véritable liberté.