Union sacrée

Publié le par Jyoti

Le mode de pensée dominant du monde occidental n'accorde de crédit qu'à ce qui est perceptible par les sens et compréhensible par le raisonnement logique. Même si la création et les grandes découvertes sont largement le fruit d'une démarche intuitive pour ne pas dire subconsciente - même les scientifiques le reconnaissent -, ce qui est intangible et inexplicable de la manière "officielle" est jugé relever de la superstition et de la crédulité.

Je lisais ainsi récemment un article sur les "biais cognitifs", des aspects des mécanismes de la pensée qui auraient eu un rôle positif dans l'évolution de l'espèce, mais conduiraient aujourd'hui, dans notre monde moderne, à une "altération du jugement" ou à "nuire à la pensée rationnelle". Un exemple cité en est l'effet placebo, autrement dit trouver des effets positifs à un produit alors que l'on ne l'a pas absorbé, utilisé dans les essais cliniques de médicaments pour en démontrer l'efficacité ou son contraire.

Poussé à l'extrême, ce point de vue négationniste d'une vaste portion de l'expérience humaine rejette en masse le mysticisme, la poésie, la création artistique, la spiritualité, l'intuition, l'inventivité, etc., bref tout ce qui ne repose sur rien de tangible. Peut-être l'absolutisme de la raison provient-il du fait que la science est traitée par nos sociétés comme le dieu omnipotent des temps modernes qui nous protège contre les peurs ataviques de l'espèce et nous donne l'illusion de maîtriser et de contrôler notre environnement.

Se soumettre à ce point de vue et à lui seul, c'est pourtant nier l'évidence de notre capacité à l'action intangible : les croyances collectives humaines sont capables de donner réalité et pouvoir autant à des entités qu'à des idées de toute nature : fin du monde, capacité à guérir, sauveur universel, etc. Le pouvoir de l'auto-persuasion de masse est capable du pire comme du meilleur.

Contrairement aux apparences, nous ne vivons pas uniquement dans un monde que chaque péremptoire explication rationnelle rigidifie un peu plus. Même si nous évoluons dans le tangible, nous surfons simultanément sur les ondes de force qui constituent l'univers. Nous interprétons comme hasard, coïncidence ou chance, la conscience occulte que nous en avons alors que les obstacles qui ferment les portes et les convergences qui les ouvrent toutes grandes manifestent notre capacité à créer à chaque instant le monde dans lequel nous choisissons de vivre.

Bipèdes que nous sommes, il nous faut marcher sur nos deux pieds : objectivité et subjectivité, conceptuel et imaginaire. Réaliser que, tels de pâles images de Śiva ekapada, chacun d'entre nous est aussi l'axe d'un monde et que nous co-existons dans un multivers subtil, peut sembler hors de portée, ridicule ou inutile. Mais accorder l'estampille "vrai" au tangible et à la logique et la refuser à l'intangible et à l'intuition, c'est réduire la réalité déjà limitée et obscurcie dans laquelle nous évoluons à un cadre rigide dont la seule dynamique serait une sorte de mémoire de forme. Lui refuser la fluidité de l'absence de limites. Nous priver des quelques expériences aptes à nous rappeler notre place dans l'univers. Nous empêcher de retrouver le chemin de la transcendance. Fermer nos cœurs à la quête de retrouvailles avec le divin qui nous habite.

Transformer les couples d'opposés en couples de complémentarité est la seule façon dont nous pouvons briser les murs de verre de la prison de l'ignorance.

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