Au-delà

Publié le par Jyoti

Je n'ai jamais adhéré à l'idée que l'au-delà, c'est comme ici mais sans les embêtements. Arpenter les Champs-Élysées (les vrais) de toute éternité, éventuellement dans l'attente du Jugement dernier, pousse mon esprit caustique à me susurrer à l'oreille : mais qu'est-ce qu'ils peuvent bien faire toute la journée ?

Fidèle à mes convictions intuitives, je pense que nous n'avons aucune idée fiable de l'après vie terrestre parce qu'il s'agit d'un plan d'existence sans rien à voir avec celui que nous connaissons, lequel est par nature et par définition (dé)limité. 

Alors, voilà comment je vois les choses et, bien évidemment, mes élucubrations n'engagent que moi et ne visent à convaincre personne  :

Déjà, pour commencer, je pense que notre forme physique meurt avec la décomposition du corps et que notre essence, « Je », est immatérielle. Par conséquent, voir ou sentir un être cher décédé tel qu'il était de son vivant m'apparaît comme une astuce du mental pour appréhender et gérer la détresse affective ainsi qu'un phénomène qui nous dépasse. À moins bien sûr, qu'il existe une sorte de temps de latence après le décès pendant lequel la personne, en transit, peut encore se manifester telle que nous la connaissions. Pourquoi pas ? Tout est possible dans ce nébuleux domaine où notre vision demeure subjective.

Pour moi, Je (l'âme) est dans tous les cas la parcelle incarnée de la conscience à l'origine de tout. Poreux à cette énergie omnipénétrante et omniprésente, le corps physique  entretient avec elle une relation symbiotique. Je visualise cette présence sous la forme d'un subtil réseau intangible qui se dépose en nous au moment de la naissance. Porteur de mémoires accumulées, il passe de corps en corps, en chemin vers une destination finale, dont nous ne sommes qu'une étape. Il fait de nous plus que de simples organismes vivants et nous relie, que nous en soyons conscients ou non, à la source-mère. Lorsque le corps physique a fini son temps, ce réseau s'en sépare et rejoint le plan d'où il est issu, qui nous est totalement étranger. Le moment venu de fusionner avec un nouvel hôte, ce n'est pas nous tels que nous sommes aujourd'hui qui nous réincarnons. C'est cette essence d'être, à laquelle nous aurons contribué le temps de notre vie terrestre, qui poursuit sa route.

Car l'âme qui m'habite aujourd'hui ne m'appartient pas. C'est une voyageuse qui m'emprunte parce qu'elle connaît d'avance mes forces et mes faiblesses  et que je réponds à ses besoins. En même temps, sa présence m'enrichit et notre cohabitation nous permet de progresser, chacune sur notre plan. Néanmoins, quand ma route s'arrêtera, elle poursuivra la sienne.

Cette vision des choses ne va pas dans le sens du cycle des renaissances lié à l'élimination progressive des conséquences de nos actions, qui implique une âme individuelle et individualisée : la mienne et pas celle d'un(e) autre. Cette conception me semble plus facile à assimiler parce qu'elle tend à nous transposer d'une situation à une autre : je n'aurai peut-être ni la même tête, ni le même sexe, mais je serai « moi », celle que je connais aujourd'hui. Au fil du temps, je me rapprocherai de la béatitude, je deviendrai une « vieille âme » et je pourrai même essayer de retrouver des traces de mes vies antérieures. J'aurais oublié Francine, mais Francine ne m'aura pas oubliée.

On peut aussi concevoir l'âme comme l'empreinte du flux et du reflux de l'énergie de conscience primordiale universelle sur le corps physique, telle la marque que laisse une vague sur le rivage avant de s'en retirer. À vrai dire, je trouve même une élégante beauté à imaginer ce mouvement éternel sans autre but que celui de manifester la pure plénitude de l'état d'existence.

Dans un environnement non linéaire où ce qui balise notre réalité n'a pas lieu d'être, tout ce que je viens de décrire pourrait coexister. On pourrait même aller plus loin : et si l'âme s'adaptait à ce que la personne qu'elle habite est capable de concevoir et d'accepter et prenait autant d'aspects qu'il y a d'individus ?

La seule certitude que nous ayons, dans l'ici et maintenant, est qu'une forme d'au-delà nous est donnée : le souvenir. Car s'il nous est impossible d'affirmer avec autorité la nature et le rôle de l'âme, il nous est possible de faire perdurer dans notre mémoire le corps et l'esprit de ceux que nous avons aimés et qui nous ont quittés, un peu comme un rêve continue de nous habiter après le réveil.

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