Ne rien faire

Publié le par Jyoti

En réponse à un ami, j'ai écrit à propos d'un texte de Jean Klein, avec lequel j'étais d'ailleurs d'accord : « rien à faire, juste entrouvrir la porte du cœur pour qu'un jour peut-être la lumière nous envahisse ».

La lumière en question, c'est pour moi la manifestation de la version a-verbale, pur ressenti, de tous ces mots qui me nourrissent depuis plusieurs années maintenant. Comment entrouvrir cette porte sans rien faire ? D'ailleurs, comment parvenir à quoi que ce soit sans rien faire, pour nous dont l'action est l'inévitable malédiction ?

Bien sûr, ne rien faire ce n'est pas continuer ma vie comme d'habitude en me disant que si je ne fais pas trop de bourdes, avec un peu de chance la lumière me tombera dessus tôt ou tard, au pire sur mon lit de mort, surtout si je pense à prononcer la syllabe « om » au moment de mon dernier souffle. Après tout, c'est ce que dit la tradition !

Se lancer sur le chemin de l'aspiration à la transcendance, c'est se retrouver au stade de l'enfant qui apprend à marcher : on vacille, on ne sait pas bien dans quelle direction aller et tôt ou tard il faut se raccrocher à quelque chose pour ne pas tomber, jusqu'à ce que, lentement, le pas s'assure et le champ de vision commence à s'élargir.

C'est dans cette période que nous trouvons une multitude de choses à faire : adorer des statues, pratiquer des disciplines physiques ou mentales, accomplir des rituels, rejoindre un groupe, que sais-je encore. Moi, j'ai lu (et relu) des livres venus du fond des âges dont les propos m'apparaissaient évidents et j'ai saisi fermement la main qu'ils me tendaient.

L'un de leurs messages qui m'a le plus parlé, c'est justement celui-là : il n'y a rien à faire pour s'éveiller, il suffit de cesser de dormir. Pour paraphraser la Bhagavadgītā (je n'ai aucune mémoire des citations) : le jour de l'homme est la nuit du sage et inversement.

Donc, « ne rien faire ». En réalité  j'aurais dû écrire « en faire le moins possible » puisque, comme déjà dit, nous ne pouvons pas ne pas agir. Le premier pas essentiel est de réaliser que l'important est à l'intérieur et pas à l'extérieur. L'extérieur ne nous vient en aide que si nous considérons comme des accessoires temporaires les outils - objets et êtres humains - qu'il met à notre disposition et comprenons qu'il ne s'agit que de moyens témoignant de notre faiblesse et de nos limitations, pas de fins. Je reconnais que ça serait plus facile si les statues et les bâtonnets d'encens suffisaient. Mais bon, qui a dit que ce serait facile ?

Et après ? Aucune idée. Dans l'idéal, me concernant, m'asseoir aux pieds d'Abhinavagupta et me laisser imprégner par sa présence. Malheureusement, il est injoignable depuis 1000 ans et Swami Lakshman Joo, le maître contemporain qui en perpétuait l'enseignement, s'est désincarné lui aussi il y aura bientôt 30 ans.

Alors, dans ma réalité ? En cette période de ma vie, je possède un avantage de taille : je n'attends rien. Bien sûr, je ne fais pas exception à la règle, il y a des choses que je prévoie d'entreprendre, comme autant de pierres que l'on emprunte pour traverser un cours d'eau, sans trop savoir ce que l'on trouvera sur l'autre rive. Mais le plus souvent, j'ai l'impression de flotter dans une sorte de limbes avec la vague idée que rien étant la matrice de tout, des merveilles doivent m'attendre quelque part.

Et si, dans ce contexte, ne rien faire c'était ça : mener simplement sa vie dans le monde en laissant venir, en rendant grâce intérieurement pour tout le bien qu'engendre le mal, en accueillant ce qui se présente sans chercher plus loin. Suivre l'intuition qui nous dirige vers telle ou telle activité, telle ou telle personne,. Voir le above dans le below. Penser à se rappeler qui l'on est vraiment, de quoi l'on fait partie. 

Peut-être que pour que la lumière entre, il suffit de choisir de la voir plutôt que les volets qui la filtrent ?

 

 

 

 

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