La vie est immortelle (2)
L'autre soir, j'ai regardé un excellent documentaire intitulé « Qui a tué Néandertal ? », d'où il ressort que les hommes et les femmes modernes non africains* sont porteurs de 2 % de gènes de cet hominidé dont toute trace disparaît il y a 39 000 ans.
Il y a plusieurs années, j'avais été tentée de participer à un projet américain qui, moyennant l'envoi d'un échantillon de salive (ou d'autre chose, je ne me souviens plus vraiment) et de quelques dollars, vous renvoyait l'analyse de votre génome qui vous révélait notamment les traces de vos lointains ancêtres. Je n'ai pas cédé à la tentation pour diverses raisons, mais l'idée que mon matériel génétique me relie à des chasseurs-cueilleurs préhistoriques de l'autre bout de l'Europe ou du monde, par exemple, m'a toujours fascinée. Consciente désormais de la présence discrète de Néandertal dans ma vie, il me rappelle la relativité de l'idée d'extinction.
De la même façon, l'expression « langue morte » expédie ad patres des langues dont l'usage s'est peu à peu désolidarisé du quotidien des sociétés. Et pourtant, telles les gènes de Néandertal, elles continuent à fonder nos langues modernes, des multitudes de supports en préservent les mots et la conception du monde et des millions de voix s'élèvent pour les chanter.
Néandertal et les langues premières (du moins dans l'état de nos connaissances) nous démontrent et nous vantent les vertus du métissage, qui est l'art de la fusion et de l'entrelacement. L'une des innombrables manifestations de la vie, cette puissance de perpétuation hors du commun, cette capacité d'adaptation et de transformation infinie, dont nous sommes les vaisseaux, porteurs dans le secret de nos cales de ses graines d'immortalité.
* Parce que Néandertal n'était pas présent en Afrique et n'a donc pas pu s'y métisser avec Sapiens.
À (re) lire :
- Présence du sanskrit dans le français (1)
- Présence du sanskrit dans le français (2)