Exil
En ces temps où les mots « migrants » et « réfugiés » résonnent à tout bout de champ, je constate un grand absent : « exilés ».
Migrants nous dit que les gens viennent d'ailleurs, réfugiés, qu'ils fuient le danger. Mais exilés nous dit qu'ils sont bannis, que le retour vers leurs racines leur est interdit, pour une raison qu'ils s'imposent ou qui leur est imposée.
L'exil juridique ou politique peut devenir caduque si la situation qui l'a provoqué disparaît ou évolue. L'exil intérieur est une souffrance sourde que rien ne peut vraiment apaiser. Des souvenirs que personne ne peut véritablement partager parce qu'ils font écho à des lieux, des coutumes, des paysages qui n'ont pas de sens ici. Un sentiment de non-appartenance qui rend le sol friable à celui qui tente d'y planter des racines.
Depuis plusieurs mois, mon compagnon se plongeait de plus en plus souvent dans le passé à travers les émissions de télévision ou de radio de son enfance ou de sa jeunesse retrouvées sur Internet. Agacée par ce qui m'apparaissait comme une régression stérile, je n'ai pas compris alors qu'il s'agissait pour lui de renouer ou de renforcer un lien crucial avec ses racines, avec le monde dont il était issu, cette part profonde de lui-même que je ne pouvais que deviner, cette Écosse loin des cartes postales des années 1950/60, dont l'accent et le parler lui revenaient spontanément quand nous y retrouvions sa famille il y a une vingtaine d'années.
Nul besoin d'avoir parcouru des milliers de kilomètres ou d'avoir été chassé de chez soi pour être exilé. Ce n'est même pas une question de culture. C'est une question de place. Suis-je à ma place ici et serais-je à ma place là-bas si j'y retournais ?
L'exil n'est pas non plus qu'une question de géographie. Chaque fois que nous ne nous sentons pas à notre place, chaque fois que nous nous sentons étrangers à notre vie, nous sommes en exil de nous-mêmes.