Question de genre
L'introduction, parfois furtive et parfois tapageuse, de la notion de « genre » dans les modes de pensée contemporains ne cesse d'éveiller ma perplexité. Après être tombée il y a un certain temps sur des articles rendant compte d'efforts de parents visant à gommer la notion de fille et de garçon chez leur progéniture, voilà que récemment, je lis qu'un magasin de vêtements pour enfants néerlandais a décidé de ne plus distinguer les rayons afin de lutter contre les conditionnements sexospécifiques.
Dans ces discours des nouveaux tenants du « bien-pensant », je ne vois personnellement que confusion et, j'assume, aberration.
D'abord, une piqûre de rappel : le genre n'est pas le sexe. À ce jour, dans la plus pure tradition de la dualité, l'espère humaine demeure composée de deux sexes, le masculin et le féminin, dont la conjugaison est le moteur de la procréation, elle-même garante de la survie de l'espèce (ou alors j'ai raté un épisode). Quant au genre, il fait référence, dans l'idée des acteurs du développement qui en ont conceptualisé la notion, aux rôles dévolus aux unes et aux autres par les sociétés.
Dans l'esprit de simplification qui semble caractériser notre époque, tout ça signifie : le masculin, c'est pas bien ; le féminin, c'est divin. Parce qu'implicitement, ce discours ne s'adresse qu'aux hommes : les petites filles pouvant déjà porter des pantalons, comme leurs mamans, c'est donc aux petits garçons de faire l'effort de porter des robes, si je comprends bien. Il colle pourtant mal avec la réalité : femmes dans des rôles d'homme (chefs d'entreprises, de gouvernements ou de famille, pilotes d'avion, etc.), hommes dans des rôles de femmes (cuisiniers, couturiers, etc.)... les sociétés occidentales modernes regorgent d'exemples de redistribution de ces fameux rôles si décriés.
En se coupant les cheveux et en imposant le port du pantalon, les femmes occidentales des premières décennies du 20e siècle se sont emparées symboliquement d'une part du pouvoir des hommes, qui, de fait, les cantonnait dans des rôles étriqués. Cela n'a pas suffi à faire évoluer fondamentalement leurs rôles et il a fallu encore bien longtemps pour qu'elles obtiennent de vrais droits, comme celui de voter ou d'avoir leur propre compte en banque sans autorisation du mari, en tout cas en France.
Car la voilà la vraie question : le pouvoir. Autrement dit, qui le porte, ce fameux pantalon ? On nous dit que le gommage des rôles, et à travers lui celui de l'identité sexuelle, a une visée égalitaire. Mais ces dehors vertueux ne me convainquent pas. Parce qu'ils rendent synonymes deux concepts bien différents : égalité et identité. La seule égalité est celle des droits. L'identité au sens où « tout le monde est pareil », et donc interchangeable, est une impasse (c'est la friction qui fait avancer) et un mensonge : il suffit de regarder autour de nous pour constater que c'est faux. Et heureusement !
Les hommes et les femmes ne sont pas pareils, nous l'observons tous les jours et depuis le plus jeune âge. Certes, difficile de distinguer l'inné de l'acquis, la poule de l'œuf. Mais il semble qu'une certaine répartition des rôles entre les hommes et les femmes se soit imposée depuis la nuit des temps comme la meilleure stratégie de survie. Aujourd'hui de toute évidence la donne n'est plus tout à fait la même, surtout dans nos pays.
Plutôt que de remettre en cause la notion de rôles plutôt masculins ou plutôt féminins comme obsolète et rétrograde, il me semblerait plus productif de reconnaître qu'ils existent et de continuer à assouplir leur répartition dans les mentalités. Car les choses ont évolué dans les pays occidentaux et je ne pense pas que grand monde s'offusque aujourd'hui des couples qui choisissent « d'inverser les rôles ». En ce qui me concerne, l'important est que les gens soient heureux, positifs et au contrôle de leur vie dans les rôles qu'ils endossent. Alors je dis vive les petites filles en robe de princesse rose, les petits garçons en Spiderman, les hommes bricoleurs, les femmes au foyer, les hommes en jupe, les femmes garagistes, les hommes à paillettes et frou-frou, les femmes à barbe et les hommes maquillés ! (liste non exhaustive)
En tout cas, moi, j'aime que les hommes soient différents des femmes, et inversement, au-delà des rôles que les sociétés leur attribuent. Et vu le succès du mythique laveur de carreaux d'une vieille pub de Coca Cola, il me semble qu'un certain nombre d'entre nous Mesdames soyons encore plus sensibles aux qualités de cœur des hommes quand elles sont enrobées dans une musculature virile irréprochable !
Au final, mon point de vue sur cette question est simple : les hommes et les femmes ne sont pas pareils. L'important est que chacun puisse exprimer et réaliser pleinement sa personnalité. Et surtout, ne tombons pas dans le piège de remplacer un conventionnalisme par un autre.
Parce qu'il ne faut peut-être pas perdre de vue le plus important : la multiplicité, la diversité, la différence et leur corollaire, la complémentarité, sont notre force et notre faiblesse, notre lot. L'absence de différence n'existe que dans l'Un sans second, sans espace, sans temps, sans limite, sans début, sans fin. Tant que nous ne l'aurons pas rejoint dans nos cœurs et dans nos âmes, faisons le choix d'accueillir nos différences et nos similitudes avec bienveillance et de nous en réjouir.