Les cakra selon le Shivaïsme du Cachemire
Les sept cakra qui nous sont familiers, avec leurs différents attributs (couleur, son, signification symbolique, etc.), relèvent d'une conception tantrique et yogique tardive, différente de celle que propose le Shivaïsme du Cachemire école Trika. Ces « roues » (c'est le sens de cakra) y sont en effet des centres vibratoires expérimentés par le yogin lors de la montée de « l'énergie des profondeurs », la kuṇḍalinī, plutôt que des représentations servant de base à la concentration.
Au nombre de cinq, ces centres de force du corps subtil sont reliés par des courants d'énergie vitale appelés nāḍī, dont les trois principaux sont le canal médian (suṣumnā), celui qui le flanque à gauche (iḍā) et celui qui le flanque à droite (piṅgalā), bien connus des adeptes du haṭhayoga. Chez l'être humain ordinaire, loin de tourner ou de vibrer, les cakra forment des nœuds inextricables qui nouent l'esprit à la matière et font obstacle à la force spirituelle.
- mūlādhāra : souvent appelé « cakra racine », il se situe en bas du buste à la jonction des principaux courants d'énergie. Il possède une ouverture qui fonctionne comme une sorte de clapet en forme de triangle : si son sommet est dirigé vers le bas, la vie sexuelle prend le pas sur la vie spirituelle, s'il est dirigé vers le haut, c'est l'inverse. C'est là que dort le serpent qui symbolise la kuṇḍalinī. Son sommeil - l'ignorance - asservit l'être humain qui, aveugle, cède à l'agitation sexuelle. En revanche, lorsqu'elle s'éveille (à partir de n'importe quel cakra puisqu'elle est présente en tous), elle devient une puissance omnipénétrante qui ouvre la voie de l'universalité.
- nābhicakra : situé au niveau du nombril, c'est le lieu d'échange d'où partent les dix principales nāḍī ascendantes.
- hṛdayacakra : l'énergie du centre du cœur est très subtile et se transmet spontanément aux autres. C'est là que la kuṇḍalinī s'éveille de préférence et que l'on peut connaître la béatitude.
- kaṇṭha : ce centre de la purification se trouve à la base du cou ou à l'arrière-fond de la gorge.
- bhrūmadhya : il se situe entre les sourcils et constitue un passage très difficile pour l'énergie vitale, qui requiert la maîtrise du samādhi (absorption dans la Conscience universelle) et l'aide d'un excellent guru. La kuṇḍalinī finit ensuite sa course en brahmanandhra, au sommet du crâne, si le yogin a réalisé le Soi et en dvādaśānta, situé au-dessus, s'il a réalisé Siva dans l'univers, ces deux « lieux » n'étant pas des cakra.
Remarque :
Ce texte est (à peine) la substantifique moelle d'un passage de l'excellent ouvrage de Lilian Silburn intitulé « La kuṇḍalinī - L'énergie des profondeurs » (éditions Les Deux Océans, Paris), dont je recommande vivement la lecture. Les termes cakra et kuṇḍalinī sont souvent utilisés à la légère (dans mon expérience, certaines personnes semblent penser que « montée de la kuṇḍalinī » et orgasme sont synonymes), pour ne pas dire galvaudés. J'ai donc eu envie de partager ce point de vue qui témoigne une fois de plus de la subtilité et de la profondeur de la pensée métaphysique indienne : l'aspirant qui marche dans cette voie ne cesse de gravir des sommets qui révèlent un paysage toujours plus merveilleux et ouvrent des perspectives toujours plus fascinantes. Même si je sais que l'expérience de l'éveil à la Conscience absolue est au-delà de mon stade d'évolution en cette vie, la goûter même uniquement intellectuellement constitue pour moi une source inextinguible de ravissement !
Ressource : Guide de prononciation sanskrite