Sur l'écran noir de nos nuits blanches...
Qui n'a pas déroulé dans sa tête des histoires à dormir debout, des fictions où les angoisses prennent vie avec une telle réalité que des faits déformés paraissent plus vrais que nature ? Des scénarios totalement imaginaires qui nous laissent dressés dans notre lit, la peur au ventre, en attente du sort terrible dont nous nous sommes persuadés de l'imminence ou de l'inéluctabilité.
Qu'attendons-nous de ces films dont nous sommes scénaristes, producteurs, metteurs en scène et acteurs et dont le ridicule et l'exagération nous apparaissent dès que le jour se lève ?
Dans mon expérience, le sujet en est toujours un événement potentiel à plus ou moins longue échéance aux conséquences dramatiques ou inquiétantes. Souvent anodin, le déclencheur de cette inspiration dévastatrice ronge tel un acide la fissure ouverte par une peur familière et la transforme en un abîme béant d'où nos démons s'empressent de surgir.
Trembler pour des choses qui ne se produiront pas, s'inquiéter pour des chimères, notre imagination est prompte à exploiter nos failles et habile à nous faire oublier que ces contes terrifiants sont "pour de faux".
S'il est vrai que ces "délires" sont relativement rares ou propres à des moments spécifiques (en tout cas, je vous le souhaite !), la projection dans l'avenir demeure un de nos sports favoris. Et pourtant nous savons parfaitement que les choses ne se passent jamais comme prévu. Combien de fois avons-nous été déçus par une situation que nous anticipions avec joie ou heureusement surpris qu'une autre que nous redoutions se déroule sans encombre ?
Aveuglés par les miroirs déformants du passé et de l'avenir, nous risquons de nous condamner à vivre dans des limbes où l'imagination tient lieu de raison, l'invention d'intuition. Essayons de demeurer maîtres des émotions qui nous font pencher tour à tour vers hier et demain. Hier a été le demain d'avant-hier, demain sera l'hier d'après-demain. Le temps est une convention et seul existe véritablement aujourd'hui.
Conjuguons le futur au conditionnel et considérons ce qui est ici et maintenant. Nous sommes déjà notre geôlier, ne soyons pas notre bourreau : ne nous infligeons pas de souffrances inutiles et sans fondement. Évitons de nous inventer des lendemains qui chantent faux et vivons pleinement le présent. Harmonieux ou dissonant, il nous joue la mélodie que nous avons besoin d'entendre pour avancer.