Magie du brouillard
Ce matin, il y avait du brouillard sur la route. J'aime le brouillard. Entrer dans un banc de brouillard, c'est faire un saut dans l'inconnu. Plus de certitudes : où est passé le paysage familier qui marque le voyage comme une horloge marque le temps ? Épais quand on y pénètre, le voilà qui s'évapore brusquement sans raison apparente. Les arbres et les champs disparaissent le temps qu'il joue avec nous son jeu de cache-cache, jusqu'à ce que le soleil le dissipe et révèle à nouveau la nature flamboyante de ce début d'automne. Rien n'est sûr avec le brouillard. Les repères s'effacent. Il nous projette dans un no man's land, suspendu entre ce qui était et ce qui va être. Dans le brouillard, le temps et l'espace perdent leur sens et leur utilité. Souvent, les gens s'en méfient justement parce qu'il brouille les pistes. Moi pas. Je sais qu'il est éphémère et l'expérience que j'en ai est d'autant plus précieuse... j'allais dire, délicieuse !
Le brouillard se joue de nous : il transforme le ciel en terre incertaine, engloutit l'univers, façonne un environnement mouvant. À l'instar de Śiva, il révèle et il masque. Il me fait penser au jeu dont ne se lassent jamais les très jeunes enfants : je suis là, je ne suis plus là. C'est vrai, il peut être dangereux et masquer des obstacles. Les jeux d'illusion peuvent coûter cher si l'on n'y prend pas garde.
Quand le brouillard de l'indécision et du doute nous envahit, quand la route que nous croyions droite s'infléchit sans prévenir, souvenons-nous que rien ne dure et convoquons notre soleil intérieur pour en transformer les gouttelettes en un nuage irisé.