Recueillement
Lorsque j’étais enfant, j'ai beaucoup visité d'églises avec ma famille, qui n'appartenait pourtant à aucune confession.
Les années ont passé mais le goût m'en est resté. J’ai toujours préféré l’intimité toute en rondeur des églises romanes, mais avec les années je suis de plus en plus sensible à l’élévation à laquelle invitent les hautes voûtes gothiques. J’aime les églises sombres et fraîches, uniquement éclairées par les éclats de couleur semés par les vitraux.
Pousser la porte d’une église est toujours une surprise, quel qu’en soit l’aspect extérieur. Certaines vous enveloppent immédiatement dans un sentiment de sérénité, d’autres vous happent dans leurs vibrations et propulsent des picotements dans tout le corps, d’autres ne dégagent rien du tout. Mais toutes poussent instinctivement au silence et au recueillement. Pour moi, cela n’a rien à voir avec la religion, mais tout à voir avec la foi et la ferveur.
La foi est la conviction confiante, intime et intuitive de l’existence d’une conscience/énergie suprême à laquelle nous devons notre existence et vers laquelle nous retournerons, quels qu'en soient le nom et la forme (ou l'absence de forme et de nom). Ce mot renvoie, nous dit l'étymologie, aux notions de loyauté, de fidélité et de contrat. Aussi ancienne que l'humanité, la noble idée de contrat entre les hommes et les dieux est porteuse d'équilibre universel et personnel. La foi dépasse le cadre des religions parce qu'elle va du cœur au Cœur.
L'agent de sa manifestation est la ferveur, ce feu ardent qui a permis à nos ancêtres d'édifier, parfois sur des centaines d'années, des monuments qui continuent à nous émouvoir même si nous ne partageons pas le dogme qu'ils incarnent.
Si l'édifice jouit d'une certaine renommée, on s'aperçoit rapidement que ses nombreux visiteurs restent insensibles à la foi et à la ferveur sans lesquelles il ne serait pas là. Loin du recueillement et du silence, ils parlent à voix haute, prennent photo sur photo et pour la plupart le parcourent au pas de course. L'église, la cathédrale ou l'abbaye étaient marqués « à voir » dans le guide touristique. Ils sont venus. Ils ont vu. Mais ils n'ont pas regardé. Ils sont restés sourds et aveugles à cette occasion de prendre le temps de s'imprégner de la paix et du silence dont ils auraient pourtant tellement besoin pour s'élever au-dessus des tracasseries du quotidien.
Ce manque de respect à l'égard du sens du monument, de réceptivité à l'aspiration à l'élévation de tous ces gens qui nous ont précédés et de sensibilité aux lieux me désolent. La foi, c'est aussi tout simplement la confiance. Et la ferveur, l'enthousiasme. Si ces visiteurs sont indifférents à l'appel de l'âme, j'espère sincèrement qu'au moins la confiance et l'enthousiasme font partie de leur vie et qu'un jour ils sauront les transmuter en ce feu intérieur qui purifie et apaise.