Miroir, mon beau miroir...
On dit que les voyages forment la jeunesse… mais pas que. Plusieurs déplacements récents m’ont plongée dans la perplexité : voilà que les gens veulent absolument porter ma valise, me tenir la porte, me céder la place dans le métro (du jamais vu dans toutes mes années parisiennes) ou m’expliquer comment utiliser les caisses automatiques.
Incompréhension totale : qu’est-ce qui leur prend ? Je me servais d’ordinateurs et d’Internet quand ils étaient en couches-culottes et je n’ai aucun problème à porter ma valise, merci ! Et pourquoi ce jeune vendeur me parle-t-il comme si j’étais une demeurée parce que je lui affirme que le yoga n’est pas un sport ?
« Couches-culottes», « jeune »... La réponse est dans la question. Dans mon miroir intérieur, je suis sans âge et la personne qui s’y reflète est une perception de moi sans rapport avec mon apparence physique. Je ne m’apprécie pas à l’aune du vieillissement cellulaire, mais aux progrès accomplis vers l’harmonie intérieure. Tournée vers le dedans, j’en viens à oublier que nous ne voyons les autres que du dehors. Quand ils me regardent, ils voient une femme d’âge mûr, quand je me regarde, je vois une voyageuse en chemin dans l’étape qu’est cette vie.
Sur le coup, ça m'agace, je dois l’admettre. En y réfléchissant, ça m'agace pour deux raisons : un, je ne me reconnais pas dans l'image que je vois reflétée dans leur attitude (je ne suis une « mamie » que pour mes petits-enfants) et deux, je n'aime pas l'image implicite de déchéance et d'impuissance qui sous-tend leur sollicitude. Derrière les signes apparents du vieillissement mon énergie vitale est intacte, les projets, les envies, les désirs ne fléchissent pas. Si je me tourne vers le dedans, ce n'est pas pas peur d'un dehors qui échapperait à ma compréhension, mais parce que j'ai compris que la Vérité n'est pas ailleurs, elle est en nous, microcosme émané du macrocosme.
Dans un deuxième temps, ça me fait sourire : je les ai bien eus, ils me supposent faible alors qu'une force extraordinaire m'anime. Et puis, quoi qu'ils pensent et quoi qu'ils fassent, ils n'échapperont ni au vieillissement, ni à la mort.
Dans un troisième temps, je reconnais que j'ai été comme eux (et que je peux encore l'être si je n'y prends pas garde). La ligne est fine entre bienveillance et condescendance, entre compassion et infantilisation.
L'image de nous qui se reflète dans le miroir déformant d'autrui peut être vécue comme un choc brutal, mais ce n'est qu'une image. Vivant dans un monde où l'apparence passe pour la réalité, nous sommes tous sensibles à l'image que nous projetons, mais n'oublions pas qu'elle n'est qu'un reflet sans consistance qui ne dit rien sur notre Vérité profonde.
Alors, cessons de nous regarder les uns les autres à travers des filtres artificiels et attachons-nous plutôt à respecter et à aimer le divin qui nous anime tous.
Namaskaram