Chantons sous la pluie !
Ce matin Sūrya, le soleil, enfermé dans sa prison de nuages noirs, pleure à nouveau : les vaches, ses rayons, sont parties paître ailleurs.
Pluie... eau de la nostalgie et de la tristesse, larmes de regret et d'amertume, larmes d'apitoiement sur soi-même.
Pluie… eau pourrissante quand elle se déverse sans retenue sur une terre qui ne parvient plus à l’absorber. Quand rien ne vient l’évaporer. Quand l’air devient gluant. Quand la terre tourne en boue et que les roses se fanent avant même d’éclore.
Pluie… eau diluvienne qui emporte tout sur son passage. Nettoyage extrême et sans pitié d’une nature qui nous confronte à notre impuissance, nous remet brutalement à notre juste place et nous enseigne une dure leçon d’humilité. Mais aussi coup de semonce qui oblige à remettre les choses à plat.
Pluie…. dont la surabondance dilue notre énergie en une flaque stagnante. La tête baissée sous la capuche ou le parapluie, nous nous hâtons sans regarder ni à droite ni à gauche. La grisaille et l’humidité nous racornissent et nous renferment sur nous-mêmes. Les pieds métaphoriquement englués dans la boue, nous peinons à avancer et jetons un œil morne aux projets qui nous enthousiasmaient quand la lumière faisait partie de notre vie.
Pluie… eau bienfaitrice et bienfaisante quand ses noces avec le soleil et la terre annoncent la prospérité et l’abondance. Quand les nappes phréatiques s’en gorgent et nous promettent de riches réserves de cet élément vital. Quand une ondée estivale vient rafraîchir l’atmosphère et s’achève dans l’apothéose d’un arc-en-ciel. Larmes de joie et de rire.
Eau… aussi essentielle à notre survie que l’air et davantage même que la nourriture. Salée, douce, mouvante, fluide, débordante, canalisée, toujours la même et toujours différente… Inépuisable réservoir de vie qui donne sa couleur à notre planète. Indispensable.
Eau... de la matrice maternelle et universelle, océan des origines, de la gestation des mondes entre destruction et création, eaux d'en haut et eaux d'en bas, profondeur et abîmes des océans et des âmes. Océan de la conscience, mer des émotions. Séjour de l'inconscient. Trame du tissu de notre imaginaire et de notre psyché.
Nous ne sommes pas les gardiens de la nature, nous ne sommes que l'un des êtres « mobiles et immobiles » qui la constituent. Coupés des rythmes naturels par la civilisation que nous avons créée au fil des siècles, nous avons tendance à surestimer notre influence sur elle et à sous-estimer son influence sur nous. Les alertes météo et autres dispositifs de prédiction des soubresauts de la nature permettent de sauver des vies, mais ils n'évitent rien. Notre planète est vivante et elle obéit à des lois sur lesquelles nous ne pouvons agir. Elle aussi a ses humeurs et depuis qu'elle existe l'humanité en profite ou en pâtit tour à tour. C'est comme ça.
Mais voilà que le soleil est de retour ! Profitons de sa présence, même éphémère, pour célébrer la vie sous tous ses aspects, les bons et les moins bons, et nous féliciter d’avoir la chance d’en bénéficier. Un jour il pleut, un jour il fait beau, un jour nous rions, un jour nous pleurons. Et tous ces petits cycles font partie de cycles de plus en plus grands, infinis, éternels. Réjouissons-nous de notre vie d’étincelle : le feu dont nous jaillissons en permanence et qui brille haut et fort en nous ne craint aucune pluie !