Tempus fugit (3)
Quelques jours passés avec un jeune enfant m’ont fait réaliser une autre fonction du temps linéaire : il rassure car il introduit le prévisible. Avant d’avoir capté la succession des jours, lui dire « tu vas retrouver papa et maman samedi » n’avait aucun sens. D’une certaine façon, ses parents avaient disparu et une incertitude vaguement inquiétante régnait quant à leur réapparition. D’où de temps en temps un petit coup de blues.
Maintenant que le temps existe, cette incertitude s'est envolée. Le fait de nommer la succession des jours de manière presque incantatoire garantit la réapparition de ses parents et de sa fratrie. On pourrait presque dire que le temps conforte l’existence de ce qui a disparu. Du coup, plus d’inquiétude, on peut profiter sans arrière-pensée du moment présent.
Parallèlement, le temps de l’horloge exerçait sur lui une totale fascination. « Regarde, ça change », disait-il scotché devant la pendule de la cuisinière. L’espace entre deux minutes était comme suspendu. À la fois vide et débordant d’anticipation. Moment quasiment mystique où le miracle s’accomplissait encore et encore. Source d’émerveillement sans fin.
Devenus adultes, le temps perd sa magie et devient un fléau : nous en manquons, il passe trop vite, il nous échappe, il nous pousse vers la mort, il flétrit notre corps, nous voudrions qu’il s’arrête.
Le temps linéaire rassure et inquiète, mais donne aussi des repères. C’est une des données de notre condition, alors essayons d’avoir 5 ans à nouveau et réjouissons-nous du moment présent et de tout le temps que nous avons devant nous !