Fermer les yeux
Fermer délibérément les yeux et ne plus les ouvrir, c’est manifester la volonté de couper la communication avec le monde extérieur, de se replier sur soi-même, sur un univers intérieur auquel les autres n’ont pas accès. C’est une façon de se détacher d’un monde auquel on sait ne plus appartenir. C’est aussi ne pas voir un environnement qu’on ne maîtrise plus, un corps retombé en enfance. C’est exprimer son renoncement à la vie d’un corps qui s’entête à vouloir fonctionner, en pilote automatique sur une orbite qui ne mène nulle part.
Parce que le regard, c’est la vie, c’est l’échange. Le premier regard peut sceller une rencontre. Le regard révèle les sentiments, positifs comme négatifs. Il peut être brûlant, glacial, pétillant, bavard et bien d’autres choses encore. Il a tendance à exprimer ce que nous souhaiterions taire. Il n’est pas policé comme la parole. L’œil agit de manière spontanée, immédiate, irréfléchie. Autant qu’un instrument de vision, c’est un instrument de communication non verbale qui en dit long sur nous. Le feu – étincelle ou éclair - réside dans le regard. Le feu c’est le soleil, la lumière.
Fermer les yeux, c’est entrer dans les ténèbres. Celles du sommeil et de l’intériorisation qui ressourcent. Celles où l’on cherche refuge. Mais aussi celles de la mort, le grand saut dans l’inconnu qui testera nos convictions et nos intuitions.
En tant qu’êtres diurnes, nous n’aimons pas l'obscurité. Séjourner trop longtemps dans l’envers du décor inquiète. Alors, quand les yeux refusent de s’ouvrir ou que la lumière a quitté le rare regard qu’ils consentent à jeter autour d’eux, nous savons que la personne a atteint le bout de sa route. Que se passe-t-il derrière ces paupières closes ? Les mots se sont tus. Le regard s’est éteint. Le lien est rompu. Nos chemins ont divergé.
J’espère que ses ténèbres étaient lumineuses mais le mystère demeurera entier jusqu’à ce que vienne mon tour.