Tempus fugit (suite 2)
Je livre aujourd'hui quelques courts extraits de l'ouvrage Hymnes aux Kālī - La Roue des énergies divines de Lilian Silburn (p.149 et suivantes), qui traduit et commente des textes śivaïtes, dont un thème majeur est le temps. Ils ne rendent bien évidemment pas compte de la richesse et de la complexité de ce travail, mais ils attirent l'attention sur deux notions fascinantes à mes yeux : la durée en tant que voile obscurcissant notre véritable nature et l'attachement aux fruits des actions comme source de la durée. La deuxième en particulier est tellement étrangère à nos modes de pensée habituels (en tout cas, aux miens) que j'en ressens la profondeur vertigineuse mais qu'une période de mûrissement et de réflexion va m'être nécessaire pour en saisir toutes les implications. Et comme le but de ce blog est le partage, je n'ai pas résisté à l'envie de partager mon émerveillement avec vous.
Si je vous casse les pieds avec l'hindouisme en général et le śivaïsme en particulier (ce que je pourrais aisément comprendre sans m'en offusquer !), Maître Eckart, mystique chrétien du Moyen-Age, expose les mêmes concepts dans un cadre plus familier aux personnes de culture chrétienne.
Dans tous les cas, envisager le temps sous un autre jour qu'une marche inexorable vers la déchéance me semble salutaire et me va très bien ! J'espère qu'à vous aussi !
« ... Le cœur humain n'a pas conscience d'être le Cœur infini [...] Le voile qui lui cache le Centre a pour cause sa propre durée.
[...] Les marques des événements (qui ont précédé la découverte de la Vie intérieure et du Soi) profondément ancrées en une sorte d'habitus temporel continuent à orienter présent et avenir, d'où ces racines de la temporalité si difficiles à extirper parce que enfoncées dans l'inconscient.
[...] Les śivaïtes distinguent deux modes de temporalité : la durée engendrée par l'attachement et l'instant qui correspond à un total détachement. L'homme qui s'attache à ses possessions, à ses activités, à ses représentations, à sa propre science, agit, pense et veut dans la durée. [...] à mesusre que se relâche l'emprise sur les choses, sur le corps, sur les souffles, le temps se décante, la durée se détisse. [...]
La durée la plus puissante est celle où l'on s'engage totalement en s'attachant aux actes et à leur résultat [...] On peut vivre de façon permanente [...] sans être dans la durée : on vit instant après instant sans être happé par le flux du devenir parce que exempt de tout penchant. [...] »