Identification ou identité ?
Qui suis-je ? Voilà une question à première vue anodine dont la réponse paraît évidente : je suis une femme aux cheveux bruns, aux yeux marrons, de taille moyenne, etc. Ou bien, je suis traductrice, je suis mère de famille, etc.
Mais suis-je vraiment cette ombre chinoise projetée sur le mur des apparences, définie uniquement par mon aspect physique et mon rôle social ? Non, bien sûr. Je sais intuitivement que Je suis bien autre chose. Mais quoi, ou plutôt qui ? Pour tenter de le savoir, il faut d’abord que je me dépouille de deux illusions fondamentales et que je cesse de confondre « identification » (fait de se rendre identique à quelque chose ou quelqu’un) et « identité » (caractère fondamental qui fait la singularité d’une personne).
Première illusion : je suis mon corps. Nous entretenons une relation ambiguë avec lui : soumis aux lois de la gravité et de la mode, nous lui en voulons de tomber malade ou de s’entêter à refuser de se conformer aux canons de la beauté en vigueur. De toute évidence nous ne pouvons nous en passer. Considérons-le avec affection et pardonnons-lui ses défaillances, mais ne nous identifions pas à lui. Il est notre véhicule. Il n’est pas Nous.
Deuxième illusion : je suis mon rôle social. Là, le terrain est miné : les situations familiales et les emplois changent souvent plusieurs fois au cours d’une vie. Si nous nous identifions à notre rôle social, un décès, un divorce, le départ à la retraite ou le chomage risque de remettre en cause un équilibre parfois chèrement acquis. En revanche, si nous le ramenons à son état de rôle, nous pouvons en changer sans trop de dommage et même avec bonheur !
S’identifier à son corps et à son rôle social, c’est forger ses propres chaînes et mettre en place un mécanisme à dispenser de la souffrance jour après jour, à commencer par le sentiment de ne pas être à la hauteur : trop grosse, trop maigre, trop petite, trop grande, moins performante, moins brillante, moins ceci, trop cela, etc. Parce que cette identification implique souvent la conformité à des normes imposées de l’extérieur et que les moules à taille unique sont loin d’être confortables pour tout le monde.
Que faire pour dissiper ces illusions ? Comme d’habitude, en prendre conscience. Remettre le corps et le rôle social à la place qui leur revient. Fermez les yeux et imaginez-vous sans ni l’un ni l’autre. Plus facile de gommer le rôle social que le corps sans doute. Mais cesseriez-vous d’exister pour autant ? Personnellement, je n’en ai pas le sentiment. Parce qu’une fois tout gommé, il reste une impression de densité intérieure. Il reste la Conscience.
On nous rabache que la conscience réside uniquement dans le cerveau. Pas de cerveau, pas de conscience. Et pourtant, la physique quantique - toujours elle ! - relance le débat sur l’énigme que constitue la localisation de la conscience.
En ce qui me concerne, je me rallie à la vision hindouiste de cette épineuse question : la Conscience qui nous anime émane de la Conscience universelle absolue dont procède notre univers. Et notre véritable identité se situe en elle quel que soit ce à quoi nous nous identifions. Nos identifications sont temporaires, notre identité est éternelle.