Attention, passage de faux gurus !
Plus je me trouve en contact direct ou indirect avec des gens ou des groupes qui se targuent de spiritualité, plus je constate non sans effroi que dans ce milieu protéiforme les approximations sont souvent assénées comme des vérités et les affirmations erronées abondent, notamment concernant la philosophie indienne.
Pourtant, ses textes sont clairs : notre Personne véritable est l’étincelle de Conscience divine qui nous habite et nous anime (« nous insuffle la vie ») : le possesseur du char - l’ātman ou le puruṣa selon les contextes. Cette étincelle est notre maître intérieur, notre guru personnel. Le shivaïsme nous dit que si nous ne trouvons pas de maître, il faut nous tourner vers les textes. Et ils sont nombreux. Des Européens érudits ont commencé à les traduire dès le 19e siècle avec l’aide de maîtres indiens. Les Indiens eux-mêmes les commentent avec profondeur depuis la nuit des temps.
Évidemment, prendre conscience de son maître intérieur, lire les textes, ça demande un effort que tout le monde n’est pas prêt à faire et je peux aisément le comprendre. D’ailleurs, c’est la raison d’être du maître : guider vers la conscience et la compréhension. Sauf que dans un monde où la spiritualité est devenue un véritable business, en Inde comme partout, les faux gurus abondent.
Malheur à moi d’être sanscritiste : cette langue riche et complexe n’étant pas étudiée et comprise par grand monde, on se presse au portillon pour lui faire raconter ce qu’on veut de préférence à ce qu’elle dit. Certains se cachent derrière la difficulté de la traduction pour justifier des interprétations douteuses. La plupart ne se cachent derrière rien du tout et libèrent une imagination galopante cautionnée par la référence à une langue qui sanctifie à leurs yeux n’importe quel discours.
Et je ne parle pas de tous ces « maîtres » aux chevelures ondulant dans la brise éthérée des sphères mystiques, drapés dans des tuniques blanches, le regard fixé sur les cîmes de la connaissance (enfin, je suppose), qui ornent souvent les annonces des revues, magazines et sites vantant les mérites du yoga ou de telle ou telle doctrine ou pratique. À se demander d’ailleurs pourquoi on ne voit que très rarement de femmes dans ce rôle alors que le public des stages divers et variés est très majoritairement féminin. Encore une énigme… Ou pas.
J’ai remarqué que la recette du succès pour les gens qui n’ont rien à dire et qui vous font payer pour vous convaincre du contraire comporte souvent un peu d’Inde millénaire pour la caution philosophique, soutenue par des mots sanscrits mal compris, mal utilisés et mal orthographiés de préférence, un peu de shamanisme (ça fait magie écolo) et depuis récemment, me semble-t-il, une goutte de sang menstruel. Apparemment à la mode la menstruation. Femmes ménopausées, tant pis pour vous !
Tout ça me fait râler parce qu’il existe des gens qui ont vraiment des choses à dire, des gens de qualité qui savent de quoi ils parlent, des livres qui vont au fond des choses et peuvent transformer une vie, des pratiques qui éveillent véritablement la conscience. Une spiritualité qui a un sens, qui ne gonfle pas les ego et qui ne fait ni la fortune de ceux qui la transmettent, ni la une des magazines féminins.
Nous vivons dans le monde de l’information et de la communication. C’est génial. Pourtant, les aveugles continuent d’avoir foi dans les borgnes. Et s’ils prenaient leur destin en main, osaient ouvrir les yeux et profitaient des multiples sources d’accès à la connaissance vraie qu’offrent les bibliothèques et même Internet utilisé avec discrimination au lieu de prendre pour argent comptant tout ce que les borgnes leur raccontent ?
D'ailleurs, puisqu’on en parle, en sanscrit, l’œil, cakṣu, est un symbole du Soleil, lui-même symbole, entre autre, de connaissance. Tiens donc....